Dans « Preach », on retrouve tout ce qui fait la singularité du travail de Carrie Mae Weems : un mélange détonnant d’universel et d’intime, de témoignage et de performance. Pour cette installation inédite réalisée à l’occasion d’une grande rétrospective à la Gallerie d’Italia, à Turin, la photographe s’est penchée sur l’Eglise noire américaine, cette Black Church qui a joué un rôle fondamental en tant que lieu d’éveil politique pour la communauté.
Ses images mêlent des photos documentaires, des personnages historiques, comme Martin Luther King, mais aussi des visions plus oniriques. Et enfin des clichés où elle se met en scène en observatrice silencieuse, tout de noir vêtue, devant un mur de nuages – un personnage de « muse » qu’on retrouve dans nombre de ses séries.
Grande figure de l’art contemporain américain, Carrie Mae Weems crée depuis plus de quarante ans, à partir d’images et de vidéos, des installations qui entremêlent les questions d’identité, de mémoire, de racisme et d’intimité. Dans l’une de ses séries les plus connues, « The Kitchen Table » (1990), elle invente des saynètes où se jouent la formation et la rupture d’un couple autour d’une table de cuisine. La « muse » qu’elle s’est inventée questionne sa place dans le monde de l’art et des musées, et dans la société en général.
Mais son travail s’enracine surtout dans son expérience personnelle de femme noire américaine, avec sa grande famille d’un milieu populaire, le souvenir de son grand-père Frank, un fermier passé à tabac par des Blancs après avoir fondé un syndicat. « Dans “Preach”, il y a mon pasteur en train de chanter, ma propre chorale et ma mère qui prend la parole à l’église ! », souligne l’artiste dans un rire irrésistible. Intense et charismatique, Carrie Mae Weems va à l’église tous les dimanches, dit-elle, « pas seulement pour prier, mais aussi pour la communauté autour de l’église ».
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