En 1999, Eugénie Dubreuil a 62 ans. Après une vie à enseigner les arts plastiques, l’artiste a envie de se consacrer pleinement à ce qu’elle aime : l’art et l’histoire de l’art. Elle se met, cette année-là, à arpenter les salles de vente. Par curiosité, pour voir des choses qu’elle ne voyait pas ailleurs. C’est à Drouot, l’une des plus anciennes places de vente au monde, qu’elle passe le plus clair de son temps.
Un jour que l’on disperse des œuvres que possédait Guillaume Apollinaire, la jeune retraitée tombe en arrêt devant un dessin de Marie Laurencin. C’est une esquisse, celle d’une femme à demi-nue, sur une simple feuille arrachée à un cahier. Il n’est pas signé. Le prix est dérisoire, Eugénie Dubreuil l’achète. Ce geste agit comme un déclencheur. « Je me suis mise à acheter des œuvres de femmes et c’est devenu addictif, raconte l’artiste de sa voix douce et enjouée. Je fréquentais aussi les galeries attenantes, mais c’était plus cher, alors je revenais à Drouot. C’était une telle joie de découvrir ces œuvres, de regarder les catalogues. J’ai commencé une nouvelle vie. »
Elle a parfois eu des coups de cœur qu’elle n’a pas pu acquérir, comme cette toile de l’Italienne Sofonisba Anguissola. « Je n’avais pas un choix énorme parce que je choisissais en fonction du prix. En général, de 100 à 300 euros, décrit-elle. C’est arrivé que je paye un peu plus cher, mais, ensuite, je devais faire attention. » Elle achète aussi au gré de ses voyages à l’étranger.
« Ces genres dits mineurs »
Son intention initiale n’était pas de devenir collectionneuse, mais l’artiste s’aperçoit au fil des années que ses acquisitions, accrochées au milieu de ses propres œuvres, donnent à son atelier du 13e arrondissement de Paris des airs de musée. « LA musée », lui souffle son mari, le poète et journaliste Georges Châtain, ex-correspondant du Monde dans le Limousin, où elle possède un autre atelier. Le nom est joli, il sera désormais celui de sa collection.
Eugénie Dubreuil, qui a entendu parler du National Museum of Women in the Arts, à Washington, le premier musée au monde consacré à la production artistique féminine, se dit qu’elle pourrait essayer ça, créer un lieu pour sa collection. Elle commence par faire visiter son atelier à des gens du quartier et à des amis de passage, mais « l’âge aidant », elle se rend à l’évidence : elle doit se séparer de sa collection si elle veut éviter qu’elle ne soit vendue ou dispersée après sa mort.
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