
Pendant onze ans, elle a compté les jours. Tous les soirs, à minuit, elle en ajoutait un sur son profil WhatsApp. Cela fait 4 187 jours que le père de Wafa Mustafa, Ali, a disparu à Damas. C’était le 3 juillet 2013. Mais, depuis deux semaines, la jeune Syrienne de 34 ans, réfugiée à Berlin, n’a plus le temps d’actualiser son décompte. Elle est bien trop occupée à chercher une trace de son père dans les ruines du régime de Bachar Al-Assad, qui a fui Damas pour Moscou le 7 décembre, laissant le pays aux mains des rebelles du groupe islamiste Hayat Tahrir Al-Cham.
Derrière son ordinateur à Berlin, en contact permanent avec une partie de sa famille restée en Syrie, Wafa Mustafa scrute chaque vidéo, chaque liste de noms. « Nous ne savons pas s’il est passé par la prison de Saydnaya, à Damas, ou s’il a été enfermé dans un des nombreux centres de détention et de torture, soupire-t-elle. Ma famille sur place fait le tour des prisons, des morgues, des hôpitaux, des mosquées, où des listes de prisonniers décédés ou libérés ont été affichées. De mon côté, je fouille les réseaux sociaux. C’est tout ce que je peux faire… » Selon l’ONG Syrian Network for Human Rights (SNHR, Réseau syrien des droits de l’homme), plus de 136 000 Syriens arrêtés par le régime entre mars 2011 et août 2024 sont toujours détenus ou ont disparu. Ce sont autant de familles qui cherchent aujourd’hui leurs proches.
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